Trucs & Ficelles

Le jeu de la ficelle n’est pas un jeu "clé sur porte" que l’animateur-trice peut mobiliser de A à Z en suivant pas à pas des consignes très cadrées.

Le jeu est à réinventer en fonction du contexte, des objectifs visés et du public auquel l’animateur-trice est confronté.

Loin de vouloir être exhaustifs, voici un partage de petits "trucs et astuces" imaginés au fur et à mesure de notre pratique du jeu de la ficelle.
Pour faciliter la lecture, ils ont été répertoriés en fonction du public (enfants, jeunes, public alpha, militants…) et des différentes phases du jeu de la ficelle initial.

Trucs & Ficelles

Phase 0 (se mettre dans le bain)

COMMENT INTRODUIRE LA THEMATIQUE ?

  • En rencontrant les enseignant-e-s, voire la direction, pour "préparer le terrain", expliquer les objectifs, faire des liens entre le jeu et des matières/compétences/thèmes d’autres cours. Plus il y aura de profs impliqués et motivés à exploiter le jeu dans leur cours, plus l’impact sera important.

  • En essayant d’impliquer d’autres acteurs de l’établissement (comité des parents, conseil des élèves, direction, personnel de la cantine...) dans la dynamique pour encourager une mise en projet au-delà du groupe classe.

  • En travaillant sur les représentations initiales au sein de l’école en organisant avec les élèves une enquête dans l’école sur les habitudes alimentaires, les choix des menus à la cantine, les fournisseurs…

  • En travaillant sur leurs représentations initiales et partir de leur vécu. Par exemple en proposant de décrire (oralement, par écrit ou par le dessin) :

    • c’est quoi pour vous un repas idéal ?
    • quel est votre repas préféré ?
    • qu’avez-vous mangé hier ?
    • ...?
  • En travaillant sur les représentations initiales à partir d’un photolanguage : faire choisir parmi un lot, l’image qui correspond le mieux par exemple à : l’agriculture, une ferme, un bon repas....

  • En visionnant un documentaire qui permet d’avoir une première approche de ce dont il va être question durant l’animation. Vous trouverez quelques propositions de films qui fonctionnent bien par ici.

  • En demandant de dessiner soit le système dans le quel nous vivons, soit le modèle de production/consommation alimentaire tel qu’ils se le représentent ( cf. phase 3 du Jeu de la ficelle) pour : pouvoir faire un aller-retour et/ou compléter le dessin au moment de la phase décodage ou simplement pour avoir un aperçu de l’idée qu’ils se font du modèle alimentaire contemporain.

SE REAPPROPRIER LA FICHE

  • En effectuant un travail de recherche (individuel ou en sous-groupe) sur les différentes thématiques abordées dans les fiches d’identité (ex : OMC, Monsanto, brevetage du vivant, nappe phréatique, agriculture intensive...). Cela permettra à la fois d’enrichir les débats et d’être certain que les participant-e-s comprennent ce dont il est question dans le rôle à interpréter.

  • En demandant aux participant-e-s de réécrire les fiches avec leurs propres mots.

  • En imaginant des nouvelles fiches à partir du vécu/des connaissances des participant-e-s (gros travail en amont).

  • En faisant un travail de l’acteur pour rentrer dans la peau du personnage (travailler la gestuelle, le ton de la voix, la posture...). En effet, pas toujours facile d’interpréter une salade, du phytoplancton ni l’OMC... Si les personnes ne se concentrent que sur leur stresse de parler en public, elles passent souvent à côté de l’animation...

  • En créant des sous groupes dans lesquels ceux qui sont plus à l’aise en lecture explique à ceux qui le sont moins. L’animateur peut également passer dans les sous-groupe pour aider et s’assurer que les infos principales ont été bien comprises.
    En réalité, chaque fiche pourrait faire l’objet d’un exercice (individuel ou collectif) de lecture, compréhension, réécriture...

ILLUSTRER LES FICHES

  • En créant une image, un élément de déguisement ou tout un déguisement pour chaque fiche. Cela permet à la fois de rendre la phase de jeu plus vivante, et de ne pas perdre le fil (hihihi) de qui était qui/quoi et reliè à qui/quoi.

  • En retraduisant la fiche à travers une saynète (oui oui on parle bien d’une ? scénette ? mais avec la bonne orthographe !).

POINTS D’ATTENTION pour les animateurs-trices (à garder tout au long de l’animation)

  • Si vous travaillez avec un public qui présente des difficultés de lecture et/ou d’expression orale, il faudra prévoir bien plus de temps qu’une animation ficelle classique puisqu’il faudra un temps entièrement dédié à la compréhension et à la réappropriation des identités (réécriture, jeu de rôle, illustrations...) avant de passer à la phase de jeu.

Phase 1 (modélisation)

Améliorer le dispositif pédagogique

  • Adapter les fiches « identité »
    Avec certains publics (enfants, ados ou adultes avec difficultés de lecture) le moment de se présenter et donc de lire à haute voix, peut vite devenir un calvaire…
    Une première idée pour rendre les contenus plus accessibles est tout simplement de simplifier et ou de raccourcir les textes.
    Il existe déjà des fiches « enfants » avec des textes plus simples et des identités un peu plus proches de leur réalité (barre chocolatée…) ici :

    et une version « simplifiée » là :

  • Faire deviner son personnage : proposer aux participant-e-s de lire leur texte puis demander au reste du groupe s’ils ont deviné de qui/quoi il s’agit (par exemple en terminant à la Julien Lepers par « Je suis..., je suis...?? »). ça rajoute un petit enjeux et ça stimule les gens à bien écouter.

  • Transformer le dispositif en un « VRAI JEU ». Le côté statique est parfois impossible à tenir avec des enfants par exemple. Une solution déjà imaginée était de faire une sorte de jeu de touche-touche durant lequel chaque fois que deux enfants se croisent ils se présentent entre eux et s’ils ont l’impression d’être en lien, ils s’échangent un symbole de leurs identités respectives (ex : si le bœuf et le producteur de soja ont l’impression d’être en lien, le bœuf reçoit une petit papier "producteur de soja" et le producteur un papier "bœuf") puis ils partent chacun à la rencontre de quelqu’un d’autre.

    Après un temps déterminé (suffisamment long pour que chacun ait pu identifier 2 ou 3 identités avec lesquelles des liens existes) on peut alors :

    • soit faire la modélisation "ficelle" sans passer par le moment de présentation détaillé mais juste en demandant à chacun avec qui il est en lien et pourquoi ?
    • soit on se rassemble autour d’une grande affiche où toutes les identités sont symboliser (et répartie en 3 cercles assiette, organisateurs & impacts) et on dessine et explique tous les liens que les enfants ont trouvés.
    • soit...
      A tester.

ASTUCES

  • Prévoir un temps assez long pour relire avec chaque participant-e sa fiche d’identité pour ne pas devoir passer par la lecture lors du jeu. Cela demande donc d’apprendre par cœur un petit texte donc du temps...

  • Avec un groupe trop important : quelques solutions.

    • à partir de 30 personnes la phase de jeu peut vite devenir interminable. Si vous n’avez pas la possibilité de faire deux groupes en parallèle (donc deux personnes pour animer) vous pouvez par exemple désigner des rapporteurs/observateurs ou donner des tâches comme retranscrire le système au fur et à mesure, noter s’il y avait plusieurs personnes qui se sentaient en lien...
    • Si vous vous retrouvez avec un groupe vraiment très grand (plus que le nombre d’identités dont vous disposez, donc plus que les 35 présentes dans le jeu) mais qui a beaucoup de temps devant lui, vous pouvez proposer des fiches vierges à celles et ceux qui n’ont pas de place/d’identité. La consigne sera alors d’imaginer un rôle (réel - sur base de leur vécu - ou fictif - sur base de leur connaissance) inspiré par ou en lien avec les identités déjà présentes.
  • Avec un groupe trop petit : quelques solutions. Par trop petit, entendez moins de 18 (nombres d’identités qualifiées d’indispensables, celles cochées d’un petit « v » ) on peut au choix :

    • donner plusieurs identités à chaque personnes (par exemple : une seule personne joue tous les éléments de l’assiette...
    • placer des chaises vides (ou tout autre objet à votre disposition : poubelle, porte-manteau...) pour symboliser les identités manquantes.
  • Proposer aux participant-e-s d’interpréter leur fiche, de laisser vivre l’acteur qui sommeille en eux !

  • Laisser faire circuler la ficelle par les participants

  • Faire des liens avec l’actualité : un bon truc est de lire la presse gratuite du jour ou de la veille (genre Métro ) pour pouvoir faire des liens avec des infos que beaucoup des gens auront lu également et pourront expliquer eux-même. En effet, une bonne partie des infos concernent généralement les conséquences de la crises systémique de notre modèle de société (délocalisation, « relance » de la sacro-sainte croissance, dérèglements climatiques, conflits autour de l’accès aux ressources... hé oui, c’est rare de tomber sur un journal rempli de bonnes nouvelles de nos jours...) et il est donc aisé de faire des liens avec les contenus du jeu (attention, ça ne vous dispense pas de lire de la presse de qualité par ailleurs !!!)

  • Insérer des petits extraits vidéo (de 1 à 3 min) comme par exemple celle-ci sur Monsanto et tous les enjeux autour des OGM ou celle-là sur la PAC...
    Ne pas en abuser sinon vous risquez de rendre cette phase interminable...

  • Utiliser des éléments du contexte direct comme :

    • des emballages tirés de la poubelle pour montrer les ingrédients, additifs chimiques...
    • repérer quelques « made in » pour illustrer les règles de libre-échange, les phénomènes de délocalisation...
    • ...
  • Se servir de visuels pour compléter les infos. Comme une bonne image vaut parfois mieux qu’un long discours, avoir avec soi quelques photos pour illustrer ou compléter ce dont il est question dans les fiches sera parfois plus pertinent que d’en rajouter une couche avec des chiffres ou des infos supplémentaires. Montrer par exemple :

    • à quoi ressemble un désert vert quand on parle d’agriculture intensive de soja au Brésil ou d’agrocarburant...
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    • ou l’une des nombreuses illustrations « Illusion of Choice » que l’on trouve sur internet lorsqu’on parle des multinationales...
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  • Retranscrire visuellement la modélisation au fur et à mesure sur un tableau et/ou sur une carte du monde. Cela permet de garder une trace du système modélisé pour les phases suivantes. Vous pourrez également revenir plus facilement sur certains liens mis en évidence pendant le jeu.

  • Utiliser des accessoires (soit préparés en amont, soit amenés par l’animateur) pour garder des repères visuels des connexions (une fourche ou à défaut, une fourchette, une verre d’eau, une pub...).

POINTS D’ATTENTION pour les animateurs-trices

  • Pas de panique, il ne faut pas être spécialisé en tout pour animer le Jeu de la ficelle ! Et si vous souhaitez faire semblant, n’oubliez pas les encadrés « Le saviez-vous ? » qui se trouvent dans la plupart des fiches thématiques du classeur.
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  • N’oubliez pas les encadrés « Le saviez-vous ? » qui se trouvent dans la plupart des fiches thématiques du classeur (à actualiser vous-même, ahah !). Ces petites infos vous permettront, d’en rajouter une couche sur l’une ou l’autre thématique présente dans les fiches idéntité . Cette façon d’animer permet de rendre l’info encore plus marquante mais attention à ne pas en abuser.
    Par contre essayez dans la mesure du possible, de préparer ces notes en tenant compte du contexte et/ou du public.

  • Utiliser un vocabulaire basique, simple, vulgarisé et bien articulé.

  • Avec des publics qui présentent des difficultés de compréhension (orales, lectures, vocabulaire...) inutile de multiplier les risques d’incompréhension en s’attardant pendant des heures sur les règles ou sur une explication trop technique de certains enjeux. Mieux vaut faire comprendre le fonctionnement au fur-et-à-mesure (en faisant le jeu) ou faire l’impasse sur une partie des contenus pour favoriser le ressenti (physique) de l’aspect systémique et des interconnexions.

  • Si il y a des difficultés à trouver des liens, ne pas hésiter à appuyer ou à reverbaliser certains mots clés présents sur plusieurs fiches. Si, malgré ça, aucun-e participant-e ne se sent en lien, demander l’avis du groupe : « quels sont les principales infos ou thématiques de la dernière identité ? »

  • Pas de panique ! Comme disait Paolo Freire : « La meilleure question c’est quand il n’y a pas de réponse, comme ça on peut la chercher ensemble ! »

  • Pas de panique, souvent quelqu’un d’autre a la réponse [même si c’est faux] !

  • Si vous en avez l’occasion durant la phase de jeu (autrement dit, si le temps le permet), ou dans la foulée du jeu, laissez la place aux témoignages. Il n’est pas rare que des participant-e-s aient vécu des situations proches ou similaires à celles présentées dans les fiches (migrant-e-s, agriculteurs-rices, parents débordés... ou enfants de...). Une autre possibilités est de créer des fiches avant le jeu sur base de ces témoignages et récits de vie.

  • Donner la parole aux participants plutôt que de donner les explications mais attention au temps !

  • Choisir les fiches d’identité (voire en adapter ou en imaginer de nouvelles) en fonction du contexte (matières du cours, objectifs pédagogiques) et/ou du public.

  • Couper-court aux débats, ce sera pour la phase décodage ! C’est parfois frustrant mais le risque que cette phase s’éternise est bien réel !

Phase 2 (Phase ressentis)

ASTUCES

  • Faire exprimer les ressentis :

    • avec des émoticônes (ex : p’tites patates...)
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    • avec un photo-langage
    • sur base de code couleur
    • ...
  • Utiliser une fresque d’émergence collective (sorte de Brainstorming - ou tempête de cerveaux - en version papier). Il s’agit d’écrire au centre d’un grand papier posé au sol, un mot, un concept, une phrase... (par exemple : Face à ce système, je me sens......) et d’inviter les participant-e-s à écrire ou dessiner les idées qui leur passent par la tête.

  • Mimer l’émotion : cri, onomatopée..

POINTS D’ATTENTION pour les animateurs

  • Attention, bien préciser qu’il ne s’agit pas d’un moment d’analyse mais bien d’un moment où l’on parle avec les tripes (ou avec le cœur), où l’on exprime le sentiment inspiré par le vécu de l’animation.

  • Sortir de la culpabilisation en insistant bien sur le fait que c’est le modèle de consommation/production qui est au centre (l’assiette) et non le consommateur (l’idée n’est certainement pas de pointer les comportements alimentaires individuels de chacun-e).
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  • Prendre un temps pour reclasser les émotions

  • Traduire une émotion en un seul mot

  • Faire noter sur un petit papier l’émotion, le mot, l’onomatopée... bref, le ressenti. C’est important de passer par l’écrit pour éviter que les participant-e-s ne soient tentés de répéter ce que les autres ont déjà dis.

Phase 3 (décodage)

ASTUCES

  • Brainstorming autour des mots clés : valeurs, acteurs, rapports de force, etc.

  • Faire la phase décodage à partir des dessins du système faits dans d’autres animations.

  • Faire un collage avec des publicités, des images de magasine ou présélectionnées. Attention au parti prix des images !

  • Multiplier les différents groupes selon les affinités (émotionnel, analytique, créatif). Ex : faire une saynète d’une publicité pour vendre le système actuel ? SYSTÈME A VENDRE, FIN DE STOCK ?.

  • Refaire un schéma systématique à partir d’un autre bien de consommation. Ex : avec un groupe de jeunes, partir d’un gsm.

  • Revenir sur les concepts : mondialisation, capitalisme, néolibéralisme, etc.

  • Utiliser d’autres supports pédagogiques pour décoder le système. Ex : utiliser le documentaire « Je mange donc je suis » / faire un "World café" sur valeurs/ logiques/ acteurs/ rapports de force.

POINTS D’ATTENTION pour les animateurs-trices

  • Si seulement 3 heures pour l’animer, pas le temps pour une phase décodage car cela prendrait 2 heures minimum.

  • Si il y a le temps : un dessin du système ou d’autres formes sur leurs représentations. En sachant qu’elles viennent déjà avec des critiques du système pendant le jeu : à réutliser pendant cette phase > GROUPE ALPHA.

  • Préciser qu’on sort de l’assiette, on prend de l’hauteur.

  • Remplacer la phase décodage par un moment plus transmitif si public demandeur de ça ?

  • Intégrer d’Adendum ? badaboum ?.

Phase 4 (alternatives)

ASTUCES

  • Utiliser d’autres supports pour inspirer les participant-e-s avant de se lancer dans une phase de réflexion collective autour de la question des alternatives.
    Des films documentaires comme « Solutions locales pour un désordre global » (de Coline Serreau, 2013 - visible ici) ou « Cultures en transition » (de Nils Aguilar, 2012 - bande-annonce) proposent un bon point de départ pour une discussion sur notre modèle de production alimentaire.

POINTS D’ATTENTION pour les animateurs-trices

  • Définir ce qu’est une alternative > ? une solution pour un monde plus vivable, plus joyeux, plus respectueux > GROUPE ALPHA.

  • Illustrer avec ce qui a déjà été dit dans le jeu > importance de partir des pépites.+ terminer avec un débat mouvant sur ce qui est possible ou pas > GROUPE ALPHA.

  • Aujourd’hui, la consommation responsable s’est imposée au rang de levier idéal, accessible à tou(te)s, pour résoudre les problèmes sociaux et environnementaux causés par notre modèle de développement… Peut-on vraiment y croire ? Ne passe-t-on pas à côté de l’essentiel en faisant croire aux gens que tout repose sur leur choix de consommation et sur leurs éco-gestes ?
    Si l’on n’y prend pas garde, l’issue d’une animation ficelle peut vite s’arrêter sur la conviction qu’on sauve le monde en mangeant bio ou en coupant le robinet en se brossant les dents... Bref, attention au spectre de la carotte bio .

    Voici un petit article sur ce thème : De la « consommation responsable » à la « consom’action »